Aspects juridiques
Introduction
Le projet SPE (scénario de pédagogie embarquée) a pour objectif de s’interroger sur les spécificités de la pédagogie embarquée, le nomadisme et l’ubiquité. L’adoption de cette démarche entraîne de nombreuses conséquences juridiques. La mise en ligne de contenus - textes, images, sons et vidéos - contraint l’enseignant à se poser une question essentielle : quel est le statut des ressources ? Toutes ont la caractéristique d’être attachées à un droit spécifique : droit d’auteur, droit des marques, droit des dessins et modèles. Un principe de droit s’applique à tout enseignant qui utilise les TIC pour embarquer sa pédagogie, « nul n’est censé ignorer la loi ». La sphère internet est riche de contributions sur les questions juridiques ; en voici quelques éléments applicables aux scénarios de pédagogie embarquée.
Textes juridiques appliqués au contexte pédagogique
Les sites juridiques sont
nombreux. L’internaute doit appréhender l’épineuse question
de la fiabilité des
informations qu’il y trouve. Une lecture attentive de
l’URL (uniform resource locator) s’impose. Il est toujours préférable de privilégier, dans un
premier temps, les sites gouvernementaux français ; dans un second
temps de consulter les directives européennes et / ou internationales.
1 Propriété intellectuelle et droit d'auteur
Les productions pédagogiques peuvent amener l’enseignant et les élèves à utiliser une ressource protégée par le droit des marques :
Article L711-1 code de la propriété intellectuelle
- Partie législative
"La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale.
Peuvent notamment constituer un tel signe :
Les dénominations sous toutes les formes telles que mots, assemblages de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles ;
b) Les signes sonores tels que sons, phrases musicales ;
c) Les signes figuratifs tels que dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs."
Le droit des marques protège le propriétaire contre toute utilisation sans autorisation préalable.
- Le droit des dessins et modèles
Article L511-1 - Partie LĂ©gislative
"Peut être protégée à titre de dessin ou modèle l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation. Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l'exclusion toutefois des programmes d'ordinateur."
Article L111-1 code de la propriété intellectuelle Partie législative
(CPI) (Loi nº 2006-961 du 1 août 2006 art. 31 Journal Officiel du 3 août 2006)
« L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.
L'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n'est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l'auteur de l'oeuvre de l'esprit est un agent de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public à caractère administratif, d'une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France.
Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s'appliquent pas aux agents auteurs d'oeuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique. »
Le principe de base est le suivant lorsque vous souhaitez utiliser une source (texte, image, son, vidéo) vous devez vérifier si elle est libre de droit. Si elle ne l’est pas vous devez demander l’autorisation de reproduction au détenteur du droit d’auteur. L’autorisation d’utiliser peut être liée au versement d’un droit pécuniaire."
Le droit d'auteur comporte un droit moral divisé en quatre grands principes :
- Le droit de divulgation ;
- Le droit de paternité ;
- Le droit au respect de l’œuvre ;
- Le droit de repentir.
Ce droit s’applique pendant toute la vie de l’auteur et 70 ans (soixante dix ans) après sa mort.
La loi DADVSI (Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information) d’août 2006 réglemente et précise les contours du droit d’auteur, notamment chez les fonctionnaires dans l'exercice de leur fonction.
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Le droit Ă l'image
La volonté d'ouvrir l'espace de la classe pose la question du droit à l'image : diffusion de photos, vidéos mettant en scène des membres de la communauté éducative ... Il est alors nécessaire de demander l’autorisation de publication aux intéressés s’ils sont majeurs, aux représentants légaux s’ils sont mineurs. A défaut d'autorisation, il est indispensable de flouter les visages ou de cadrer de dos ou de 3/4 afin que les individus ne soient pas reconnaissables.
2 Les droits des fonctionnaires
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Droits et devoirs du fonctionnaire
La pratique de la pédagogie nomade pose la question de la relation entre le contenu des productions et l'application du droit. C'est un équilibre constant entre les droits fondamentaux du citoyen et le statut de fonctionnaire. Deux points essentiels sont à préciser, la liberté d’expression et le droit de réserve.
a ) La liberté d'expression du fonctionnaire
Le principe de base est la liberté
d’expression, plusieurs textes fondamentaux le rappellent :
DĂ©claration des droits de
l'homme et du citoyen du 26 août 1789
:
"Article 10 Nul
ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur
manifestation ne trouble pas l'ordre public Ă©tabli par la Loi.
Article 11 La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi."
Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
"Article 10 Liberté
d'expression
1 Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2 L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire."
La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires
Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race."
Pour autant la liberté d'expression est encadrée par le droit de réserve du fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions
b ) l'obligation de réserve
Voir site legamedia ou site fonction publique
[…]L'obligation de réserve, qui contraint les agents publics à observer une retenue dans l'expression de leurs opinions, notamment politiques, sous peine de s'exposer à une sanction disciplinaire, ne figure pas explicitement dans les lois statutaires relatives à la fonction publique. Il s'agit d'une création jurisprudentielle, reprise dans certains statuts particuliers, tels les statuts des magistrats, des militaires, des policiers... Cette obligation ne connaît aucune dérogation, mais doit être conciliée avec la liberté d'opinion […]
L'usage des blogs pose très fréquemment la question de l'obligation de réserve. On trouvera une réponse ministérielle en ce sens sur le forum de l'internet.
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Les créations des fonctionnaires dans le cadre de la mission de service public
La création par un fonctionnaire dans le cadre de son travail
-"Si l'œuvre est "réalisée dans le cadre de sa mission de service public ou création liée au service" : l'administration est titulaire des droits de l'auteur agent public, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou d'agents contractuels, sur sa création réalisée dans le cadre de sa mission de service public et ce dès son acceptation de la fonction. La réutilisation, au-delà de cette mission, des données produites nécessite donc l'accord de l'administration titulaire des droits. Leur commercialisation, même dans un secteur concurrentiel, ne donne pas droit à rémunération complémentaire pour l'agent public.
- Si l'œuvre est "réalisée hors de la mission de service public ou sans que cette création soit liée au service " dans ce cas, l'agent public est titulaire des droits sur ces œuvres."
Source : Légicom n°25 -2001-2
3 Les droits des enseignants
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Dans l'enseignement primaire et secondaire
Le principe posé par la loi est qu’un enseignant fonctionnaire qui crée dans le cadre de sa mission de service public sous le contrôle de l’autorité hiérarchique doit céder ses droits à l’État. Il cède ses droits moraux, il ne peut s’opposer à la divulgation de son travail, ne peut exercer son droit de repentir (sauf s’il arrive à convaincre sa hiérarchie), l’administration peut modifier le document.
Article L121-7-1 Code de la propriété intellectuelle (Inséré par Loi nº 2006-961 du 1 août 2006 art. 32 Journal Officiel du 3 août 2006)
"Le droit de divulgation reconnu à l'agent mentionné au troisième alinéa de l'article L. 111-1, qui a créé une oeuvre de l'esprit dans l'exercice de ses fonctions ou d'après les instructions reçues, s'exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d'agent et de celles qui régissent l'organisation, le fonctionnement et l'activité de la personne publique qui l'emploie.
L'agent ne peut :
1º S'opposer à la modification de l'oeuvre décidée dans l'intérêt du service par l'autorité investie du pouvoir hiérarchique, lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation ;
2º Exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique."
Les universitaires disposent de l’autonomie intellectuelle et ne sont donc pas soumis à un contrôle préalable.
[…]Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s'appliquent pas aux agents auteurs d'oeuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique […]
Article L131-3-1 code de la propriété intellectuelle
"Dans la mesure strictement nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public, le droit d'exploitation d'une oeuvre créée par un agent de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions ou d'après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l'Etat. Pour l'exploitation commerciale de l'oeuvre mentionnée au premier alinéa, l'Etat ne dispose envers l'agent auteur que d'un droit de préférence. Cette disposition n'est pas applicable dans le cas d'activités de recherche scientifique d'un établissement public à caractère scientifique et technologique ou d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, lorsque ces activités font l'objet d'un contrat avec une personne morale de droit privé."
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A l'université
L'article L 111.1 du Code de propriété Intellectuelle précise que :
" [...]Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 Ă L. 131-3-3 ne
s'appliquent pas aux agents auteurs d'oeuvres dont la divulgation n'est
soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs
fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique.[...]" Cela signifie que les enseignants chercheurs et les universitaires disposent des droits sur leurs créations à partir du moment où elles sont originales
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Exception au droit d'auteur pour l'enseignement
En guise d'introduction citons un passage de la note du ministère de l'éducation nationale du 23-1-2007 - RLR 180-1
" Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, avec les titulaires des droits d’auteur et en présence du ministre de la culture et de la communication, cinq accords sur l’utilisation des œuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche, à raison d’un accord pour chacun des grands secteurs de la propriété littéraire et artistique : l’écrit, la presse, les arts visuels, la musique et l’audiovisuel [...]
Note du 23-1-2007
NOR : MENJ0700078X
RLR : 180-1
MEN - DAJ B1
"[…].3 Les conditions particulières aux usages numériques
Les dimensions des œuvres qui peuvent être numérisées et incorporées dans un travail pédagogique ou de recherche mis en ligne sont précisées pour chaque catégorie :
- pour les livres : 5 pages par travail pédagogique ou de recherche, sans coupure, avec reproduction en intégralité des œuvres des arts visuels qui y figurent, dans la limite maximum de 20 % de la pagination de l’ouvrage. Dans le cas particulier d’un manuel scolaire, l’extrait ne peut excéder 4 pages consécutives, par travail pédagogique ou de recherche, dans la limite de 5 % de la pagination de l’ouvrage par classe et par an ;
- pour la presse : deux articles d’une même parution sans excéder 10 % de la pagination ;
- pour les arts visuels : le nombre d’œuvres est limité à 20 œuvres par travail pédagogique ou de recherche mis en ligne. Toute reproduction ou représentation numérique de ces œuvres doit avoir sa définition limitée à 400 x 400 pixels et avoir une résolution de 72 DPI.
Pour pouvoir bénéficier de l’accord conclu par le ministère, les
établissements doivent veiller à ce que les moteurs de recherche de leur réseau
permettent l’accès aux travaux pédagogiques ou de recherche, aux colloques,
conférences ou séminaires ou aux cours et non un accès direct aux extraits
d’œuvres protégées ou éléments isolés (par exemple une photographie, une
peinture, une sculpture).
La mise en ligne de thèses sur le réseau internet est admise en l’absence de
toute utilisation commerciale et, le cas échéant, après accord de l’éditeur de
la thèse. La mise en ligne devra utiliser un procédé empêchant celui qui
consulte la thèse sur internet de télécharger les œuvres qui y sont
incorporées.
La reproduction numérique d’une œuvre doit faire l’objet d’une déclaration pour
permettre d’identifier les œuvres ainsi reproduites. Cette déclaration consiste
à compléter le formulaire mis en ligne à l’adresse suivante :"
Le centre français d'exploitation du droit de copie précise et reprend les principes de la note du ministère de l'éducation nationale.
[...] "Les accords conclus entre les auteurs, les éditeurs et le ministère de l’Éducation nationale en mars 2006, vous autorisent notamment à numériser des extraits de livres et de musique imprimée, des articles de presse ou des images selon des conditions et des limites définies."[...]
Sitographie
Site Legamedia
Droit du E.learning - le droit de la formation par internet - Colloque juin 2007. Université Lyon III
Références
Berleur J. Key Issues in IFIP-SIG9.2.2 Approaches to Ethics of Computing in SEC III (Social Ethical and Cognitive issues); Dortmund July 2002 ; Proceedings of the IFIP WG1 Conference, Kluwer Academic Publ., 2002
Caron C. (2006) Droit d'auteur et droits voisins LexisNexis Paris
Brunet J. (dir) (2001) L’éthique dans la société de l’information. Paris L’Harmattan. Logiques sociales.
Paul C. (2001) du Droit et des libertés sur Internet Rapport au premier ministre. Paris : La Documentation française (Collection des rapports officiels)
Truche P. (2002)Rapport au premier ministre. Sur l’administration électronique. Sur le site du Forum des droits sur l'Internet (Format PDF, 71 p.)