Les réseaux sociaux sonores géolocalisés : quels usages ? Quelle cartographie ? Un premier exemple : AudioBoo
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Introduction
Parler de réseau social en ligne renvoie naturellement aux services maintenant bien connus comme Facebook ou encore Twitter. Pourtant depuis quelques années, se développent des réseaux sociaux sonores qui comme leur noms l’indiquent font d’un enregistrement audio le cœur du partage et d’échanges entre utilisateurs. Ce nouveau paradigme sonore permet d’intégrer et d’envisager des pratiques différentes des réseaux sociaux en classe. Au travers de l’exemple d’AudioBoo, il s’agit de naviguer dans les différentes pratiques recensées et tenter de réfléchir sur l’impact de la géolocalisation dans les pratiques des réseaux sociaux sonores, ainsi que sur les modèles d’intégration des données sonores sur le Web.
I. Présentation du service et tutoriel
AudioBoo est un service gratuit de partage de sons géolocalisés en ligne. Ce service permet à ses utilisateurs, après inscription, de créer des enregistrements de trois minutes maximum dans la version gratuite. Il existe des solutions payantes AudioBoo plus et Pro qui offrent plus de temps d’enregistrements, des solutions plus développées de podcasting… Ce service se décline sous deux formes : la première est une application mobile pour smartphone et tablettes (disponibles sous Android, IOS ou même pour Nokia via Ovi) ; la seconde est une plateforme web.
A. L’application mobile
Menu général
Elle se compose d’un menu déroulant au doigt, du dernier élément écouté et du bouton « record »
Menu "Settings"
Ce menu est important dans la mesure où il permet de synchroniser son compte AudioBoo avec l’application mobile ou créer un compte via le lien avec Twitter. Par ailleurs, en cochant l’utilisation de sa position GPS, les enregistrements seront automatiquement géolocalisés.
Menu « enregistrement »
Le premier écran du menu « enregistrement » offre plusieurs possibilités : un enregistrement avec le niveau de décibels qui apparaissent de manière pixelisée. Une fois réalisé, il peut être soit effacé s’il ne convient pas en réalisant un autre enregistrement, soit publié.
Le menu de publication
On peut visualiser le résultat de son enregistrement dans la partie My Boos :
B. La plate-forme web
Celle-ci offre d’autres possibilités, notamment en matière de gestion des partages : si la version mobile permet un partage au sein de la communauté AudioBoo, la plate-forme web offre d’autres possibilités : l’envoi d’un message sur Facebook ou Twitter, l’embarquement HTML pour proposer le son enregistré dans un site ou un blog, la création d’un podcast et d’un flux RSS… Outre, la possibilité d’uploader un titre déjà présent sur l’ordinateur, il est aussi envisagé de mettre des commentaires audio sur chaque son proposé. Des listes de lectures peuvent être crées et partagées. Du coup, on s’interroge : présentées comme des éléments complémentaires, la plate-forme web apparaît au final comme une version beaucoup plus aboutie que sa version mobile. Est-ce que la version mobile manque d’options et de richesse ou bien est-ce une volonté délibéré d’AudioBoo de proposer une version plus minimaliste de son application mobile afin de se concentrer sur le cœur de son service, à savoir l’enregistrement de sons ? D’un autre côté, il suffit de lancer son navigateur favori pour disposer de l’ensemble de ces options. Mais quid de l’application mobile dédiée ?
II. Les pratiques recensées
A. De multiples possibilités
Le champ d’applications en classe du sonore est vaste croisant environnement sonore et oralité. La majorité des travaux vus se concentre sur l’usage de l’oral en particulier dans la production de langues (littérature, FLE, langues étrangères). Ainsi Audioboo reprend tous les éléments en lien avec les pratiques de l’oralité : interview, discours, tâches élémentaires, descriptions… Cette plateforme peut être aussi une ressource de discours enregistrés ou d’interviews mis en ligne par les utilisateurs. Enfin, il est possible de créer des échanges autour des environnements sonores enregistrés directement via l’application ou à partir d’une autre source .
B. Quelques exemples
• Le projet « Radio Théâtre »
« En 1921, Radio Drama a vu le jour aux Etats-Unis. Par la suite, dans de nombreux pays, avant l’avènement de la télévision, nous trouvions des pièces de théâtre écrites spécifiquement pour la radio […]. Réalisé en 2011, par un groupe de dix apprenants du niveau A1, le projet : radio théâtre se repose sur le principe « à la manière de ». Le groupe utilisait Echo A1 de Clé international comme manuel. Après avoir étudié le feuilleton Vous connaissez la chanson ? dans les quatre premières unités, les apprenants, à ma demande, ont créé leur version : Le monde entier à Mumbai. Le projet s’est composé de quatre parties, à savoir, la création des personnages et du fil général de l’histoire, la rédaction des scènes, le travail préparatoire sur la voix et l’enregistrement. » (présentation sur le blog pracheedemumbai)
• Le labo de langues
Un des usages principaux consiste à enregistrer sa voix au travers d’exercices de langues et de les publier afin de créer du lien en langue étrangère, au travers du parler et non de l’écrit, mettant en jeu les intonations et les accents. ( voir Le blog Mafalda, site académique de Rouen)
• Les apprentissages du parler à l’école primaire
L’école primaire en particulier en CP-CE1 est un espace où l’on apprend à formuler aussi bien à l’écrit qu’à oral. AudioBoo permet de raconter des histoires (voir les histoires de Pâques).
• Enregistrements de l’espace sonore
Pour étudier l’espace ou plus simplement raconter des histoires autour des éléments sonores de son environnement, AudioBoo permet la diffusion des enregistrements comme support de cours (voir les tribulations sonores en Chine).
III. Interface, ergonomie et cartographie dans AudioBoo
Le panorama des usages ainsi que la présentation du système AudioBoo interrogent diversement sur les interfaces utilisées, les usages réels et la place de la cartographie.
A. Jeu des interfaces
Comme cela est indiqué à la fin du tutoriel, on peut s’interroger sur les liens entre applications mobiles et applications web. Sont-elles complémentaires ? Se superposent-elles l’une à l’autre ?
Dans ce schéma, l’application mobile sert d’enregistreur numérique, de dictaphone, où l’on peut écouter, mettre en ligne. Il n’y a pas de possibilité de mise en cache, donc connexion wifi ou 3 G obligatoire. Par contre l’interface web joue plusieurs rôles : espace de stockage en ligne des sons enregistrés via l’application mobile ou via un autre média, c’est elle aussi qui gère les modalités de diffusions des enregistrements : création de playlist, code d’embarquement pour d’autres plate-formes web, flux RSS, Itunes, géolocalisation… De fait, l’application mobile est une déclinaison simplifiée de l’interface web ; cette dernière restant le cœur de l’activité d’Audioboo.
B. Regards sur les usages pédagogiques d’AudioBoo
De fait, les usages d’AudioBoo dans le domaine éducatif, se concentrent avant tout sur la mise en ligne des enregistrements. AudioBoo reste un espace de stockage des données sonores et de diffusion sous une autre interface site ou blog, notamment. Les échanges se font donc sur d’autres plates-formes de réseau social, comme Facebook ou Twitter, ou via les commentaires sur les blogs ou sites. Les échanges sur AudioBoo sont plus rares.
C. La place de la cartographie dans AudioBoo
La cartographie prend place avant tout dans la géolocalisation de l’enregistrement, soit via le GPS dans l’application mobile, soit via l’interface web où l’on peut choisir un lieu différent de celui où l’on se trouve. Cette dernière possibilité est assez unique dans le monde des réseaux sociaux puisqu’elle permet de géolocaliser sa publication où l’on souhaite. Une carte des utilisateurs était encore disponible au mois d’août 2010 mais elle semble avoir disparue au moment de la rédaction de cet opus. La carte proposée ne permet pas d’utiliser pleinement les possibilités d’AudioBoo puisqu’elle n'est qu'une représentation par « dispersion de chaleur » des enregistrements mis en ligne, autrement dit, elle sert juste à décrire l’intensité des usages audiobooesques dans une localisation donnée. Inversement, il est tout à fait possible d’intégrer les enregistrements d’audioboo dans une carte personnalisée via un service en ligne (Google Maps, Scribble Maps, ArcGisOnline explorer...)
Conclusion
Ce premier article sur les réseaux sociaux sonores géolocalisés met en avant des différences entre interfaces proposées et réalité des usages recensés : si les outils proposent un ensemble de fonctionnalités autour du réseautage social, les pratiques montrent un usage limité de ces dernières : la communauté AudioBoo, dans les exemples pris, vaut surtout pour la mise en ligne des enregistrements et leurs diffusions sur d’autres plate-formes et moins pour les échanges en son sein. Les utilisateurs préfèrent continuer à utiliser les systèmes qu’ils maitrisent et où ils ont leurs repères leurs connaissances que d’investir encore un autre espace. Du coup, Audioboo constitue un premier paradoxe : s’il doit intégrer des outils de partage, ces mêmes outils deviennent le biais majeur de diffusion des productions hébergées, mettant de côté le propre espace d’échange développé par la plate-forme. Trop d’espace d’échanges, tuerait-il les espaces d’échanges ? De fait, la multiplication des plates-formes de réseau montre avant tout qu’elle sont le fait de ses utilisateurs, qui même face à des nouveautés indéniables, restent attachés aux espaces et aux réseaux sociaux qu’ils habitent « réellement », cela profite évidemment aux réseaux les plus anciens et les plus importants ; du coup le réseau sonore devient un complément plus technique, une opportunité d’intégrer des données sonores dans des plates-formes autres déjà massivement investies que l’utilisateur connait et où il se sent comme « chez lui ». Du coup, la valeur immersive sonore profite principalement aux plates-formes de diffusion et dans un second temps à AudioBoo. Ce constat actuel peut évoluer selon les aspirations et les nouveautés de la communauté d’AudioBoo. La place de la carte dans ce système reste celle d’un géoréférencement sonore libre ; et c’est là sous doute la principale opportunité de travail pédagogique mêlant sonorités et espaces.
Jérôme Staub