ARDI, vous avez dit ARDI !
Modélisation d’accompagnement et système d’information géographique en classe.
Une démarche et un outil au service d’une géographie scolaire citoyenne.
Introduction
Le renouvellement des programmes de Géographie de 3e accorde une place de choix aux acteurs des territoires, à leurs dynamiques et aux enjeux contemporains qui leur sont liés (développement durable, insertion dans la mondialisation, …)[1]. Ce renouvellement semble être lié à un ancrage accru de la géographie scolaire dans l’éducation à la citoyenneté et au développement durable. C’est dans cette optique d’éducation au développement durable (EDD) que s’inscrit l’étude d’un Parc Naturel National ou Régional préconisée par les nouveaux programmes. Pour ce faire il nous a paru judicieux de placer les élèves en situation de décideurs et de les confronter à un enjeu d’aménagement réel et concret.
Les projets d’aménagement sont souvent étudiés sous l’angle des enjeux contradictoires et des conflits d’acteurs... ce qui ne facilite guère la participation citoyenne ni l’aide à la décision. C’est pourquoi nous avons souhaité recourir à un modèle de négociation utilisé en formation adulte que nous avons transposé au contexte scolaire : la « modélisation d’accompagnement » ou protocole ARDI[2] (Etienne 2009[3]) consiste à co-construire un modèle territorial[4] en lien avec une thématique d’aménagement. Le modèle est élaboré par les acteurs du territoire eux-mêmes, de manière à leur permettre de négocier leur point de vue, de faire ressortir les points de divergence ou de convergence. Il sert de base à ces acteurs pour définir leurs choix en matière d’aménagement. Lors de la transposition de ce protocole au contexte scolaire, l’usage d’un système d’information géographique[5] (SIG) a été conservé afin de préserver la complexité des enjeux et d’offrir aux élèves la possibilité d’explorer eux-mêmes les données.
La situation-problème choisie concerne le projet de Parc Naturel Régional Rance – Côte d’Emeraude. Porté par le Conseil Régional de Bretagne depuis 2008, ce projet ne recueille pas tous les suffrages des communes inclues dans le périmètre d’étude. Les élèves ont joué le rôle d’élus communaux et repris le dossier de manière à expliciter les enjeux et à discuter les arguments mis en avant par les acteurs …
DĂ©roulement du travail
Étape 1 – Appropriation du territoire et de ses enjeux par les élèves (1-2 heures)
Les élèves travaillent par groupe de trois. Ils disposent d’un ordinateur portable. A l’aide d’un jeu de données préparées par nos soins, ils découvrent les caractéristiques du territoire de projet (richesse du patrimoine naturel et culturel, dynamiques territoriales, coopération intercommunale, …). Cette appropriation du territoire est réalisée à l’aide du SIG. Cet outil leur permet de manipuler[6] les données mises à leur disposition et donc de progressivement s’emparer des problématiques et des positions d’acteurs. Ils ne sont plus tout à fait des élèves ; ils deviennent des apprentis citoyens ayant à faire des choix réfléchis d’aménagement territorial …
Figure 1 - Exemple de données : protection de l’environnement, étalement urbain et activité touristique
Étape 2 – Élaboration du modèle territorial (1-2 heures)
Réunis à la Préfecture de région, les « élèves-élus communaux » élaborent de manière collaborative un modèle territorial en lien avec le projet d’aménagement. Pour cela, sont définis au préalable les acteurs du territoire, ses enjeux mais aussi ses dynamiques.
Figure 2 – Un exemple de diagramme
Étape 3 – Des acteurs en prise avec l’opinion publique
La presse locale retrace les premières avancées de la réunion et surtout se fait l’écho des réactions d’autres acteurs. Les « élèves-acteurs communaux » en prennent connaissance.
Document 3 – La Voix de la Rance
Étape 4 – Décisions (1 heure)
Les « élèves-élus communaux » s’appuient sur le modèle territorial construit par eux et tiennent également compte de l’opinion publique pour statuer sur l’adhésion de leur commune au futur Parc naturel régional. Enfin les communes adhérentes élaborent des propositions pour une meilleure préservation du patrimoine naturel et culturel de leur territoire.
En guise de conclusion …
Le compte-rendu des décisions et propositions de l’une des classes de 3e avec laquelle nous avons mené ce travail[7] permet de dresser un premier bilan des perspectives qu’offre la transposition du protocole ARDI en milieu scolaire : « Placés par groupe dans le rôle d’élus communaux, nous avons à la majorité décidé que les obstacles que rencontre le projet de Parc Naturel Régional ne résident pas dans le périmètre de ce dernier mais dans des conflits d’acteurs qu’il faut dépasser. Pour cela, nous proposons que les efforts financiers de protection du patrimoine naturel et culturel soient partagés entre les différents acteurs du territoire. Concrètement, il serait par exemple nécessaire que les professionnels du tourisme aident financièrement les agriculteurs de manière à ce que ceux-ci modifient leurs pratiques et dégradent ainsi moins l’environnement. Les professionnels du tourisme bénéficieraient ainsi de leur côté d’un environnement plus propice au maintien de leur activité. Par ailleurs, nous sommes favorables à un étalement urbain plus contrôlé. »
L’objectif assigné par les programmes est atteint : les élèves sont capables de décrire et d’expliquer un conflit d’acteurs. Par ailleurs, la démarche adoptée permet d’introduire les élèves à la démocratie locale[1] et de développer des compétences civiques nécessaires à la démocratie participative comme la recherche du compromis. Les propositions des élèves peuvent apparaître inabouties. Cependant, elles sont argumentées, s’inscrivent dans une perspective de développement durable et tiennent compte de l’intérêt général.
[1] Elle est également abordée en Education Civique à travers la question de la décentralisation.
[1]
http://eduscol.education.fr/cid60611/ressources-pour-la-classe-de-troisieme.html
[2]
Acteurs – Ressources – Dynamiques - Interactions
[3]
http://cormas.cirad.fr/pdf/guideARDI.pdf
[4]
Il s’agit dans le protocole ARDI d’un
diagramme des interactions.
[5] Le système d’information géographique mis à disposition des élèves est QGIS 1.8.
[6] Cette manipulation est le plus souvent opérée de manière intuitive par confrontation de couches , plus rarement formalisée par l’intermédiaire d’une requête de type simple (Genevois 2008).http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00349413/fr/
[7] Des notes sont prises par le professeur lors de l’étape 4. La rédaction est assurée par ses soins. Le texte est soumis à l’approbation des élèves avant d’être distribué et de tenir lieu de trace écrite.
S. Genevois, maître de conférences didactique de la géographie et TICE, (Université de Cergy-Pontoise)