Tianditu, le nouveau géoportail chinois : entre le ciel et la terre
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Le 21 octobre 2010, la République Populaire de Chine avec son « State
Bureau of Surveying and Mapping » a lancé officiellement son
géoportail, comme la plupart des autres grands pays le font
progressivement avec leurs propres sensibilités culturelles et
politiques.
On aurait pu croire que seul le territoire de la
République Populaire de Chine serait disponible, comme la France a pu le
faire avec son propre territoire dans le géoportail.fr, en omettant le
reste du monde. C'était sans compter sur la volonté chinoise de vouloir
s'impliquer plus largement dans le monde des cartes virtuelles.
Baptisé « tianditu » en chinois, et « WorldMap » pour l'international, le géoportail est accessible via deux URL : http://www.tianditu.cn et http://www.chinaonmap.cn. Les serveurs sont hébergés bien sûr en Chine, une condition rendue
obligatoire depuis l'été 2010 par le gouvernement chinois. En effet, les
sites web mettant à disposition des éléments de cartographie doivent
dorénavant obtenir un agrément et être physiquement sur des serveurs
implantés sur le territoire chinois. Quelques grands fournisseurs de
données géographiques et de téléphonie mobile ont effectué cette demande
d'agrément Selon diverses sources, Google n'aurait pas fait la
demande pour son Google Maps (Ditu en Chine). Cette restriction fait que
les serveurs SIG hébergés en dehors du territoire chinois sont soumis
au bon vouloir du GWF (Great Wall Firewall) filtrant les accès aux sites
web internationaux... d'où l'intérêt de « Tianditu » !
Tianditu : http://www.tianditu.cn/
Un géoportail uniquement pour les Chinois ?
On ne pouvait pas passer à côté de Tianditu lorsqu'on s'imagine le
nombre de Chinois connectés à internet et désirant voir leur région...
comme nous avons pu le faire avec le Géoportail français dès sa sortie.
Effectivement, il faut être chinois pour le consulter ! Il n'existe
qu'en langue chinoise et en chinois simplifié (ce qui complique un peu
la tâche des habitants de HongKong et de Taiwan). Donc, exit le reste de
la planète : aucune information concernant des versions en langue
anglaise par exemple n'a filtré. Mais en un peu moins de trois semaines, ce sont près de 5 millions de connexions sur Tianditu qui ne possède
encore que quelques dizaines de serveurs (à comparer aux centaines de
Google Maps / Earth).
Toutefois, une certaine convivialité et une
expériences des géoportails,nous permet de naviguer globalement dans
Tianditu, sans trop de difficultés apparentes... dans un premier temps.
Ça se complique dès que l'on s'aperçoit que les noms de lieux sont en
caractères chinois et non accompagnés de leur écriture en pinyin (sorte
d'écriture phonétique mis en place par la RPC)... sans compter les menus
et explications !
Y a quoi dans Tianditu ?
Comme tout géoportail national qui se respecte, dès la connexion nous nous retrouvons au-dessus de la Chine, avec un choix en mode carte vectorielle par défaut, ou en mode image satellite, ou encore en mode 3D.
Mode vectoriel
Les cartes disposent des différentes limites administratives, des réseaux routiers et ferroviaires, ainsi que des éléments d'informations habituels que l'on retrouve dans Google Maps : bâtiments administratifs, banques, commerces, etc. Ne vous attendez pas à trouver des détails type IGN au 1/25 000... cela reste du domaine « secret défense ». Par exemple, en zone rurale, la plupart des bourgs sont indiqués, et parfois même quelques villages, mais sans le réseau routier qui les relie... ce qui n'est guère différent des cartes routières papier disponibles en Chine.
Vue vectorielle de Guilin dans le Guangxi
Mode image satellite
Dans ce mode on peut désactiver ou non la superposition des informations de la couche vectorielle. La résolution est très décevante pour les zones hors de la Chine : on se contentera d'une résolution de 500 mètres ! Par contre sur le territoire chinois, la résolution peut varier de 2,5 mètres (en zone rurale surtout) à 60 centimètres (dans la plupart des grandes villes) et là nous sommes dans un rapport quasiment identique à ce que l'on peut trouver sur Google Maps. On ne s'étonnera pas que la frontière sino-nord coréenne soit d'une résolution assez basse ainsi que pour certaines zones de Taiwan.
Vue satellite de Guilin
3 Dimensions
Le passage à la 3D nécessite l'installation d'un plugin (Geoglobe_runtime) uniquement disponible sous Windows et pour le navigateur Internet Explorer. Bien que sur Internet nous ayons trouvé des copies d'écran de la 3D dans Tianditu, il nous a été impossible de reproduire cette fonction : IE (7,8 et 9) plante... Ceux qui ont réussi à l'installer, indiquent que la qualité de représentation du relief est inférieure à celle obtenue avec le plugin Google Earth (ou GE).
Les outils de navigation
Pour naviguer, on dispose d'outils classiques à peu près identiques à
ceux de Google Maps : curseurs, flèches, etc. A vec des échelles allant
de « continent » à « rue » ; ainsi que des outils disponibles via les
menus horizontaux.
La culture « internet » chez les Chinois est assez
différente de la nôtre. Ce qui explique un design généralement beaucoup
moins... « design » que les sites web occidentaux. Les Chinois ont
tendance à privilégier l'écrit aux illustrations dans leurs sites. Cet
aspect se retrouve donc dans Tianditu et peut nous dérouter par son
manque de « lecture intuitive » dès que l'on veut utiliser des fonctions
plus complexes.
Un moteur de recherche permet de se diriger vers un
lieu défini ou une zone définie avec affichages des POI, il est possible
de rentrer les données en caractères chinois mais également en pinyin
(par exemple Beijing, Shanghai, etc.). Les données peuvent être aussi
des nom de lieux que des recherches comme « gare routière de Kaili »,
« distributeur de billet rue de la Longue Marche à Guangdong ». Il
existe dans le menu horizontal supérieur un système d'accès direct aux
différentes provinces et à leurs villes principales.
Les outils d'édition
Trois outils d'édition sont fonctionnels :
1) un éditeur de bulle
d'information pour des repères de lieux, de segments, d'aires du même
genre que ceux de l'éditeur « mes cartes » dans Google Maps avec comme
limitation l'impossibilité de sauvegarder (mais grâce aux cookies, les
infobulles semblent se maintenir dans la zone de l'éditeur). Possibilité
de choisir ces icônes de repères.
2) Calcul de distance : par tracé
de segments successifs ; attention toutefois aux unités utilisées ! (un
lexique chinois est nécessaire... car l'unité change en fonction de
l'échelle et de la distance mesurée)
3) Calcul d'aire en définissant une zone à la souris. Remarque identique à ci-dessous en ce qui concerne l'unité de surface.
On
peut imprimer les cartes avec éventuellement les données d'édition que
vous auriez pu concevoir... et les sauver en utilisant « l'impression
dans un fichier ».
Une fonction d'itinéraire semble être présente... mais pas d'explications sur son utilisation dans la FAQ de Tianditu.
Centre ville de Guilin avec l'éditeur d'infobulle
L'origine des données
Dès l'ouverture de Tianditu, un début de polémique est apparu, concernant l'origine des données géographiques, suivie d'une autre au sujet des limites frontalières (voir ci-dessous) Si la partie vectorielle semble bien d'origine chinoise, il n'en est pas de même pour les images satellites. Tianditu indique pourtant que ces dernières ont été prises entre 2006 et 2010 et proviennent essentiellement de satellites américains : les données ont été achetées à des entreprises étrangères (surtout DigitalGlobe) ; d'où leur similitude avec les données satellites de Google.
Un bout du palais d'été à Beijing vu dans Tianditu
Un bout du palais d'été à Beijing vu dans Google Maps
Les polémiques sur les frontières
Tianditu n'est pas à l'abri des revendications territoriales de ses
voisins. En tant que géoportail national, il était donc tout à fait
logique que les conflits apparaissent ; Google (tout en étant une
entreprise privée) fait aussi régulièrement l'objet de ce type de
revendication (la dernière en date étant sur un problème de limite entre
le Costa Rica et le Nicaragua).
Le premier pays à s'insurger
officiellement sur les limites frontalières de Tianditu est le Vietnam,
par l'intermédiaire de son Ministre des Affaires Étrangères. Le litige
concerne les archipels Hoang Sa et Truong Sa, ainsi que la distance des
eaux internationales (non respect de la convention des Nations Unies sur
les droits de la mer).
L'Inde n'est pas en reste, en particulier
avec sa frontière avec la Chine, mais également avec le Pakistan (pour
le Cachemire, par ex.), le Ladakh, etc. L'Inde est en train de déployer
son propre géoportail, Bhuvan »... donc affaire à suivre !
Bien sûr Taiwan est comme d'habitude considéré comme une province de la RPC.
Les API de Tianditu
Tianditu met à la disposition du public (enfin ceux comprenant le
chinois) deux API permettant de personnaliser et d'intégrer le
géoportail sur vos sites web. Une API pour la 2D et une deuxième pour la
3D. La programmation de ces API se fait de manière quasiment identique
aux API de Google Maps. Des exemples et des guides des API sont
disponibles sur Tianditu. A noter qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir
une « clé » comme chez Google pour faire fonctionner l'API.
Autres informations de Tianditu
D'autres accès sur le site permettent de consulter les nouveautés de
Tianditu, les différentes sources de données, des liens vers les sites
officiels des Provinces chinoises, une Foire aux Questions, des
formulaires en ligne pour faire des commentaires, etc.
Pour utiliser
Tianditu dans ses principales fonctions (vectorielles, satellites, 2D),
les systèmes d'exploitation Linux, MacOS et Windows offrent une
compatibilité générale avec Firefox. Pour avoir d'autres fonctionnalités
(3D, certains survols d'icônes), Windows et Internet Explorer sont
nécessaires. La lenteur constatée de Tianditu est liée aux serveurs et
non à la configuration de vos machines.
Conclusion
Ne soyez pas trop pressé de comparer Tianditu avec Google Maps : le géoportail chinois n'a que 3 semaines d'existence, dans une phase
Bêta et devrait, selon ses créateurs, s'étoffer au fur et à mesure.
Actuellement nous n'atteignons pas les fonctionnalités de GM, mais on
peut supposer une évolution rapide. La langue chinoise est le facteur
limitant, et l'usage des traducteurs automatiques en ligne n'est pas
satisfaisant en raison de la structure grammaticale particulière du
chinois, pour obtenir des éléments de réponses corrects.
A l'heure où
les géoportails nationaux émergent, on ne peut que se féliciter de cet
essor, où chacun avec sa culture, son histoire, présente sa vision du
monde. Tianditu en est un exemple particulier, d'une part par sa langue,
son nombre d'habitants et son régime politique. Son étude comparative
et raisonnée avec d'autres géoportails devrait faire partie intégrante
des enseignements de la géographie.
On supposera que le nombre
croissant de serveurs Tianditu offrira une plus grande rapidité d'accès
et d'affichage des données et que les fonctions 3D ne comporteront plus
d'erreur d'installation et d'usage.
Pour aller plus loin avec Tianditu....
Le site Fausse-Piste propose plusieurs articles explorant ce service :
- Tianditu : le géoportail chinois MapWorld
- Tianditu : à la découverte du géoportail chinois, les menus de la page d’accueil
- Tianditu : à la découverte du géoportail chinois : les outils de navigation
- Tianditu : à la découverte du géoportail chinois: calculs de distances et d’aires
Auteur : Pascal Buch, professeur des écoles, école de Saint André d'Embrun (05)... dans une classe de 28 élèves de CE2 CM1 CM2.